Vigie, janvier 2009

  

 

L’EMMÉNAGEMENT

 

Neige et pluie, grisaille, redoux. Les geais s’affairent, les merles s’ébouriffent et se pelotonnent sur les branches nues du poirier.

Aujourd’hui j’emménage dans mon bureau des combles. Les bibliothèques commencent à se remplir. J’installe le fauteuil de lecture, les deux tables, le grand échiquier, la vieille chaîne hi-fi qui diffuse la musique de Satyajit Ray. Je bois du thé vert Impérial. Je savoure la joie de ce nouveau bureau qui est, indubitablement, la réalisation d’un vieux rêve. Le chat Chadek aussi se réjouit, qui a pris place sur le fauteuil et ronronne.

Les deux pies sur les châtaigniers d’en face soudain me rappellent les gobemouches à longue queue des abattis de Maripasoula. Mais je constate que la Guyane s’éloigne.

Auparavant, jusqu’à l’année dernière au moins, évoquer en classe le souvenir de celui que je n’appellerai plus ici qu’Éliton était presque une nécessité. La voix vibrait, son fantôme était là. Il y a quelque temps j’ai cru devoir parler de lui encore. Le cœur n’y était plus, et son fantôme a gardé ses distances. Bientôt la nécessité même de ce texte que je rêvais d’écrire s’éloignera aussi. Il faudra s’efforcer artificiellement de raviver les souvenirs, souffler sur les braises, en appeler aux oiseaux de là-bas. Aux gobemouches à longue queue. Aux aras de Bélizon. À la si belle buse blanche…

D’ici là, et dans l’attente de ce texte que je n’écrirai peut-être jamais, le bureau au moins est un lieu doux et paisible. Il y a la musique, le thé, le ronronnement du chat, une mésange noire aussi à la fenêtre, et les branches du poirier qui grignotent un pan de ciel gris au-dessus du Vélux. Oui, tout cela est doux et paisible.

(Relisant ceci, je constate une fois de plus le caractère très relatif de mon renoncement à l’écriture.)

 

18 janvier 2009

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