LA PANNE
Parfois sans soleil ni givre
ni nul obstacle extérieur
je ne vois plus rien et doute
avoir jamais rien su voir.
Je m’exaspère de ces lignes
que je trace par bravade
ou parce que j’espère
grâce à elles voir à nouveau.
Ce n’est peut-être
qu’une question de patience,
de chaleur, de souffle
comme pour la buée du pare-brise
qui peu à peu fait place
à ces autres lignes
dont la netteté me nargue
de la montagne ou des fils ?
Je m’accroche alors
à ce que je vois
et murmure :
« Cheval blanc galopant dans le champ blanc,
renard furtif, bouleau à terre,
vieux châtaigniers, vieille ferme, fumées,
n’avez-vous rien à me dire ?
− Rien de bon, répond le verglas
sur lequel je fais une embardée
− Rien du tout » fait la fumée
de l’usine indéchiffrable.
Bravant la panne
et le soleil de face
j’avance quand même
jusqu’au bout du soliloque.
3 décembre 2015