Vigie, juillet 2017

 

 

 

ON PARLE

 

Vigiejuillet201703

  

Aux derniers jours de classe, la maîtresse rentre chez elle à petits pas pressés avec ses bouquets, son orchidée, ses dessins, et chacun porte dans l’air alangui de l’été son vieux sac de tristesse percé au fond qui laisse au sol un sillage de cendres. Comme les lianes du liseron, comme les traces luisantes des limaçons dans l’herbe, moins rectilignes que les rets des avions, s’entremêlent les lignes de toutes nos vies possibles, nos vies rêvées, nos vies aventureuses.

On a le temps. On parle davantage, on se raconte ou l’on raconte l’histoire du voisin, tu sais, celui qui est seul maintenant, et l’on tente d’éclairer son parcours à la lueur d’autrui. On constate avec un étonnement persistant que c’est partout la même confusion. Ici on répète avec fatalisme ou candeur que l’amour, décidément, « est très surestimé », que le temps passe vite, que les enfants grandissent ou qu’il n’y a plus de saison. « Vivre à deux, c’est toujours compliqué. Il y a, tu vois, quatre piliers à la vie commune : les enfants, la sexualité, la spiritualité, le projet de vie. » Le premier pilier est le plus important ; le second s’effrite et s’effondre avec le temps ; le troisième, je n’en dirai rien ; le quatrième assure le maintien de l’édifice quand les autres tiennent moins. « En général, on claudique tant bien que mal sur trois pattes, sur deux pattes, sur une seule… » « Moi, je construis beaucoup de choses avec mes enfants, nous travaillons ensemble et n’avons pas du tout coupé le lien. » Et toi, que vas-tu faire de ton été, de ton temps, de ta vie ? « Où tu vas poser ton sac ? − Fais un lit avec tes larmes… » Je partirai en Laponie, je vais faire beaucoup de musique, « j’irai boiler dans les hurles » et danser sur les crêtes, je me reposerai.

Paroles entendues, recueillies en passant, juste au seuil de juillet.

 

Au dernier jour du dernier concert, dans ce bel appartement à la vue imprenable sur le Granier, on partage avec des gens adorables la douceur de l’été, la saveur du repas, pendant que les enfants interminablement jouent avec le chaton Oscar − et c’est un autre étonnement qui nait devant tant de douceur, devant la vie bonne et belle, simple, vibrante, chaleureuse, le ciel sans nuage, les rires des enfants et le son cristallin de la harpe.

 

6 juillet 2017

 

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