CLEM’TRANE
Le Saxophone soprano Hohner que je suis allé tantôt chercher dans le Vercors a la particularité d’avoir un son particulièrement bien timbré, ample, vibrant, cuivré, beaucoup plus affirmé que l’alto d’étude avec lequel je tente de me familiariser avec l’instrument. Clément, qui ne voulait pas lâcher l’alto pourtant trop grand pour lui, finalement s’en empare, joue une heure, s’en va, revient, joue une deuxième heure, une troisième.
Le voici malade, fiévreux, alité. Je pense pouvoir en profiter pour avancer tranquillement les textes en retard, mais le doliprane fait effet et il revient, l’œil ne brillant plus que de la fièvre de jouer, pour « rattraper le retard » − comme si, en effet, il lui fallait rattraper non seulement le retard de la demi-journée passée au lit, mais tout le retard de ces sept années passées sans pouvoir jouer, dans l’ombre de son accordéoniste de frère.
Il joue avant de repartir à l’école, joue au retour, contrôlant l’accordeur pour apprivoiser peu à peu le son facilement faux du Soprano. Je l’accompagne à l’alto après avoir fait toutes les transpositions nécessaires (puisque l’alto est en mi b et le soprano, en si b), et nous nous lançons dans un « duel de sax » qui vire à la cacophonie « free » la plus tonitruante.
À présent il joue debout, reprenant ad libitum les exercices et les petits morceaux qu’il a mémorisés. Il tape le tempo du pied, se cambre, se renverse en arrière, ferme les paupières, et l’on pourrait croire qu’il est en train d’imiter la transe de quelque jazzman mystique si l’on ne savait de façon certaine que s’il a eu l’occasion d’écouter beaucoup, il n’a en revanche assisté à aucun concert ni regardé de vidéos…
Léo est parti nager, le soleil écrase la forêt et les champs alentour, mais la Cave vibre de la nouvelle voix de ce petit bourdon fou qui s’envole et vrombit dans l’été suave de ses sept ans.
8 juillet 2017
