Journal des bois gravés

 

 

 

LEÇON D’ENCADREMENT

 

ABG23

 

Avec une éponge douce, lavez la vitre à l’eau chaude, puis à l’alcool – car la découpe du verre, effectuée avec un diamant trempé dans du pétrole, laisse des traces tenaces. Utilisez de l’alcool ménager à 90 ou 95 degrés non-aromatisé, en évitant l’alcool à brûler à l’odeur exécrable.

Coupez le carton gris en suivant bien la vitre, jamais vraiment coupée d’équerre, et en dépassant d’un quart de millimètre car le carton arrière doit servir de pare-chocs. La cartonnette avant sur laquelle sera collée la gravure, qu’on choisira d’un beau blanc ivoire, devra au contraire être coupée plus court d’un millimètre. On veillera naturellement à garder les mains et les ongles impeccablement propres, car la cartonnette prend toutes les empreintes digitales, et on trouvera un moyen pour éloigner le chat (c’est là un des aspects les plus délicats de l’opération, car le chat, naturellement, n’est pas d’accord).

Il faut ensuite poser la vitre sur le carton et, sans appuyer le cutter sur le bord de la vitre pour ne pas l’érafler, juste marquer le tour. Il est pratique d’opérer sur une planche de découpe, ou « cutting mat », pourvue de lignes graduées, que l’on trouvera facilement dans les commerces spécialisés et qu’il faut stocker debout ou bien à plat, sans jamais laisser glisser dessous le moindre crayon, car toute déformation est irréparable. Il est bon par ailleurs d’utiliser une règle d’encadreur, très lourde, en fer, avec un côté antidérapant, et dont les quatre centimètres de largeur serviront en outre de repère pour le placement de l’image.

Mettez les attaches assez haut sur le cadre, pour qu’il reste bien parallèle au mur quand vous l’accrocherez (pour un format portrait de 34×42, comptez huit centimètres depuis le bord supérieur). Placez les deux trous à même distance du bord, suffisamment éloignés l’un de l’autre, puis trouez le carton avec un clou bien pointu.

Pour l’attache du cadre il n’est pas nécessaire d’acheter les anneaux vendus en même temps que les lacets en laiton : les rondelles fines en acier zingué que l’on trouve au rayon visserie des magasins de bricolage suffisent. À l’aide d’une petite pince coupante et d’une autre pinçante, pliez le lacet de façon à former un nœud sur le côté, fermez, faites rentrer le nœud dans le trou, enfoncez en appuyant doucement à l’aide d’un marteau, puis rouvrez de l’autre côté du carton le lacet et aplatissez-le avec le dit marteau ; si besoin, bombez un peu le carton pour que le lacet soit au plus près de son support.

Placez maintenant la vitre sur la cartonnette en la faisant dépasser d’un-demi à un millimètre sur deux côtés (ce qui fera un quart quand on la centrera). Coupez, en tenant le cutter bien à l’horizontale et en dirigeant la lame vers l’extérieur pour gagner encore un quart de millimètre. Que les bords soient un petit peu mâchés n’est pas rédhibitoire, car ils seront masqués par la bande de kraft adhésif qui cèlera le tout.

Il faut, tout au long du travail, penser à bien remettre à chaque fois la vitre dans le même sens (car, rappelons-le, la vitre n’est pas d’équerre et le carton a été découpé en fonction).

Positionnez à présent l’épreuve en laissant une marge un peu plus grande en bas qu’en haut : cela donne une assise à l’image, et un confort visuel. Ayez soin de laisser la même marge de chaque côté que le bord du haut (ou que celui du bas, qu’importe), en vérifiant soigneusement avec la règle et en prévoyant, pour les dimensions citées en exemple, des marges de 4 à 5 cm.

On veillera, bien entendu, à ne pas bouger en replaçant l’image…

Une fois celle-ci bien en place, posez la règle en travers pour l’immobiliser (car les images sont traitresses et, comme des enfants qui jouent à « un-deux-trois soleil », se mettent à courir dès qu’on tourne le dos). Soulevez délicatement chacun des angles et repérez-les d’un trait de crayon qui ira en diagonale de la pointe de l’image vers l’intérieur.

 

À ce point de ABG26la leçon, le graveur, à l’encre blanche, signe son œuvre. Avec grand soin il repasse au noir les contours de la signature, ainsi discrète mais lisible, comme le sous-titrage d’un film en noir et blanc. On peut faire une pause pendant que l’encre sèche, rassurer le chat qu’on avait écarté, et nettoyer une fois de plus le verre en attente.

 

Vient le moment de fixer l’épreuve sur la cartonnette. Procurez-vous pour cela un rouleau de filmoplast P transparent au PH neutre agréé par les musées, qui ne jaunira pas avec le temps. Faites-en des bouclettes qui adhèreront des deux côtés et placez-les aux quatre angles, voire davantage si l’image est plus grande. Pour manipuler l’image, prenez-la par deux angles opposés, ce qui permet de poser l’angle inférieur sur le trait de crayon avec toute la précision nécessaire, avant de passer aux suivants. Pour éviter des plis visibles sur l’image, passez la paume de la main en un mouvement d’essuie-glace allant vers l’extérieur, et tapotez partout où se trouve l’adhésif.

La dernière partie du travail consiste à refermer le cadre – acte aussi solennel que la fermeture du tombeau, en plus joyeux (sauf si une moustache du chat s’est retrouvée piégée à l’intérieur et qu’il faut tout refaire).

Placez le cadre au bord de la table de telle sorte que les anneaux se trouvent à l’extérieur, afin de rester bien à plat. Si la cartonnette dépasse, retirez une bande d’un millimètre de chaque côté (en pensant à changer la lame du cutter, si nécessaire).

Épousseter le verre en soufflant sur lui ne suffit pas : il faut passer le dos de la main et nettoyer encore à l’alcool (si votre rapport à la saleté s’étend, par la suite, à l’ensemble des vitres, voire de votre maison, la consultation d’un psychiatre est fortement recommandée).

Vérifiez une nouvelle fois qu’il n’y a ni poussière, ni poil ou moustache de chat, puis posez le verre sur l’image et placez sur chaque côté des pinces de serrage. Munissez-vous de bande kraft adhésive, que vous aurez soin de ré-encoller car l’adhésif utilisé est insuffisant. Utilisez une colle blanche au PH neutre pour vinyle et plastique spécialement conçue pour le cartonnage, le gainage, l’encadrement et la reliure (il est possible de la diluer un peu). Faites attention à ne jamais laisser trainer le papier adhésif dans un endroit humide.

 

L’ultime opération demande un peu de savoir-faire et, comme toujours, beaucoup de soin. Tendez la bande adhésive parallèlement au cadre en vous aidant du fait que les bandes sont vergées (c’est-à-dire pourvues de vergeures, de lignes parallèles horizontales et serrées) – une observation attentive des cadres réalisés permet de constater que la bande est parfois légèrement inclinée, ce qu’il faut autant que possible éviter. Lissez et marquez l’angle avec l’ongle, puis nettoyez aussitôt le surplus de colle qui a coulé sur le verre en passant une éponge humidifiée d’eau chaude et propre vers l’intérieur du cadre.

Renouvelez l’opération pour les quatre côtés, en retirant chaque fois la pince.

Avec le bas de la lame du cutter, afin d’éviter que le haut soit en contact avec la colle, et en tendant bien le papier kraft, coupez ce qui dépasse.

Au dos du cadre les anneaux sont écrasés contre le carton ; avec un instrument quelconque, faites-les ressortir, puis munissez-vous d’un fil galvanisé de 0.6 à 0.9 millimètres, coupez-le avec la pince adéquate, recourbez-le en laissant les quelques centimètres qui permettent de l’entortiller sans peine. Écrasez le bout qui dépasse pour ne pas vous piquer, tendez le fil.

 

Accrochez, regardez, décrochez, laissez-vous emporter.

 

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