Journal des bois gravés

 

 

 

QUELQUES COMBATS

 

 

Puis la lumière s’estompe, plus personne ne vient, le sax déraille et la musique laisse entendre le cri qui l’a fait naître. « Aie confiance en la vie ! », hurlait Catherine, « Âme debout », de sa voix étranglée ; aie confiance et, pour te défaire de la peur qui t’enferre, prends ton couteau, rabote-toi, évide-toi, fais voir un peu à quoi ressemble ton squelette quand le vent le disperse : repasse tes épreuves.

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Rat, lève-toi.

Rat, viens à moi.

Rat, donne-moi

ta queue, tes griffes,

ta peau de rat,

ton odorat.

 

Rat, je deviens toi

aussi rusé

aussi retors que toi.

 

Rat, prépare-toi

au premier round du grand combat

aux coups de triques

et au « supplice

de l’épingle cruelle

qui porte à la peau » –

 

ta sale peau

de rat debout.

 

 

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Ce jour-là l’enfant rencontre un sorcier qui lui fait présent de deux bâtons. Resté seul il en expérimente la puissance. La descente est d’abord une reptation lente le long d’un tunnel blanc qui le conduit jusqu’au Roi des Morts. Comme un fœtus il se recroqueville, bascule en sens inverse de sa naissance, franchit le Ptyx dont le nom seul naguère le terrifiait, puis se redresse, fait face, met son masque de lion, retrousse la peau de ses bras et commence le combat.

Qu’il perd.

 

 

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Ce jour-là le garçon vacille au bord de la falaise à cause des visions. Les lignes en tourbillonnant le poursuivent, l’enserrent, l’entament. Il se voit tel qu’il est, tel qu’il sera : squelette d’arbre au bord de la falaise, souvenir insoutenable, musique funèbre. Il regarde les lignes et il crie : où est-ce que je suis ? Il livre ainsi son tout premier combat.

Qu’il perd.

 

 

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« Je crus pénétrer au paradis des arbres et des fleurs. »

François Augiéras, L’apprenti-sorcier.

 

Allongé en travers d’une poutre, attaché tête en bas, le novice reçoit les coups sans faiblir. Alentour l’air est tiède et la rivière l’appelle. Il marche dans la nuit claire et son désir se pâme, jeune fille, se dresse, ange sévère aux ailes tranchantes, au sabre. Il s’avance jusqu’à un grand massif aux milliers de feuilles fluorescentes où il entre, se rafraîchit de ses brûlures en se frottant dans ce lit de verdure. Il s’enfonce. Se perd. Devient plante.

Et gagne le combat.

 

 

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En douce tu t’extirpes. Ta faim ne te quitte pas mais tu t’extirpes, tu lui échappes, tu t’arraches à ses corolles, son dahlia. Pour l’occasion tu te fais femme, maquillée, cheveux tirés.

« Tu ne te reconnais pas ? – Ne dis pas, c’est dommage ! »

Tu t’arraches à ta fleur pour ta métamorphose, et gagnes le combat.

 

*

 

Salut ma mort, vieille efflanquée, salut ma renaissance, et mon vieux désir pas perdu. Silhouettes encrées sur le carton, marionnettes, saluons – et vous en face, applaudissez !

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