Vigie, janvier 2019

 

 

 

 

Des mers intérieures

 

 

Vigie Janvier 2019 02

 

 

 

Pourquoi cette obsession de la mer ? Elle te manque et tu répètes : « Vieillir et mourir dans un port ! Regarder partir et rentrer les navires ! Sentir le vent du large chargé de sel et d’algues ! » − Du sel, tu en as plein tes larmes, tes rêves prolifèrent comme des laminaires, et si tu plonges en toi-même tu peux nager à loisir dans ta mer intérieure, où gisent tes plus belles épaves.

 

Avec le temps ton manque s’accroît. Son absence, c’est ta croix. C’est à croire que tu ne t’y feras pas et parfois, comme le tout petit enfant que tu sembles être resté, tu la réclames, tu dis : « Maman ! » − Dans tes rêves pourtant tu la retrouves et elle te parle, et tu lui parles encore, la tenant au courant des dernières nouvelles sans recevoir des siennes (il n’y en aura plus jamais). Ainsi se prolongent la voix, l’image, la présence bienveillante de ta mère intérieure.

 

À quoi bon aller faucher encore de neuves moissons d’images, quand les réserves se sont accumulées dans les granges de ta mémoire ? À quoi bon l’épeautre des meilleurs souvenirs, si tu ne prends pas la peine un jour de le moudre, d’en faire du pain, pour vraiment t’en repaître ? − Dehors il fait moins huit ; le temps des semis, des moissons, est fini ; mais sur la page, sous tes paupières, tu peux voir onduler la mer dorée de la vraie vie.

 

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