Vigie, janvier 2019

 

 

 

Nouvelle lune

 

 

Vigie Janvier 2019 03

 

 

 

Minuit. Seul à nouveau reprendre le quart. La hulotte chante fort dans la nuit sans lune. Personne ne passe dans la lumière du réverbère, pas même un chat, ni le renard, ni le blaireau – ne parlons pas des habitants, tous calfeutrés, tous endormis. Moins dix degrés au thermomètre, le givre travaille dur et l’on s’endurcit avec lui. On écoute, on regarde le peu qui palpite encore dans cette nuit d’hiver. On sent qu’il faut, qu’il faudrait, devant tant de silence, tenter une parole. On sent qu’il est temps. On craint de ne pas en avoir le courage, ni le temps.

 

Deux heures. Plus que toi, plus que tout, plus que la mer, bien plus que le printemps, l’écriture me manque, qui n’en finit pas de m’échapper. Trop longtemps j’ai laissé s’aggraver ce manque qui menace à présent comme une poche d’eau prête à percer. J’écris. Je laisse suinter ici ces lignes, pour ne pas éclater.

 

Cinq heures. La scène du petit théâtre où je soliloque en silence reste plongée dans la pénombre, au fond de laquelle s’allument à peine les lueurs d’une lampe, d’un chemin blanc. Personne ne demande mehr Licht, plus de lumière. Personne ne parle, personne ne pleure. C’est un spectacle d’hiver bien glacé qui pénètre jusqu’aux os malgré les murs, les couvertures, le chauffage allumé, et donne la prescience de ce que sera, demain, le pire.

 

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