Vigie, janvier 2020

 

 

 

Le chemin

 

 

Vigie 2020 suite

 

 

Jour de janvier le long du chemin solitaire. L’eau du bassin ne gèle plus. Le soleil rasant rallume les prés pâles et fait reluire les toits humides. Au loin la Chartreuse a troqué son écharpe de brouillard contre un foulard de brume. Le chat Musique chasse dans le grand champ.

 

C’est presque rien. L’ordinaire d’un janvier printanier qui en rappelle et en appelle d’autres, et ce rappel du passé ainsi que cet appel vers l’avenir forment un fil sur lequel on s’applique à funambuler.

 

Je pense à Lou, cette écrivaine savoyarde croisée à Hermillon en même temps que Michel Butor peu de temps avant sa mort – sa mort à lui, car elle est toujours bien en vie et vient d’avoir cent ans. Lou disait tantôt que sa bonne santé et sa longévité lui venaient de sa capacité à se réjouir de tout ce qu’elle pouvait encore faire plutôt que de se plaindre de tout ce que le grand âge lui interdisait ; ces paroles de bon sens, venant d’elle, ont allégé la pesanteur du jour…

 

Car à part ça, il faut bien avouer qu’ils sont pesants, tout de même, ces jours sans pluie, sans neige, sans gel, et pesants les échos qui nous parviennent du monde, cris de bêtes rattrapées par les flammes, claquements des graines d’eucalyptus dans l’île en feu, craquements des coutures qui lâchent pendant que les lâches qui mènent la barque à sa perte pérorent.

 

Je reviens à ma Vallée, à mon hameau, au jardin assoupi qui s’éveille, au chat en chasse dans le grand champ, à ce volet qui s’ouvre de la chambre d’enfant. Passe un corbeau tout près de moi, que je reconnais et que je salue parce que je l’ai vu, celui-là et pas un autre, en rêve cette nuit.

 

 

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