Vigie, juillet 2020

 

E la nave va

 

Vigiejuillet202006

 

Aux derniers jours caniculaires de juillet, après une journée de grande paix tropicale pendant laquelle on s’est laissé emporter une fois encore par la douceur de vivre, l’harmonie retrouvée et le courant glacé du bien nommé Gelon, l’orage éclate enfin. C’est la nuit. Le toit vibre. Le carré noir de la fenêtre sous laquelle est épinglée désormais la grande carte de Madère s’illumine de blanc, et le grondement redouble. Comment ne pas écrire des mots comme « tempête », « bateau », « effroi » ? C’est pourtant l’exaltation qui domine, et la joie de finir de façon si tonitruante et si triomphale le mois le plus funèbre de l’année.

J’ouvre le velux. J’ouvre grand les yeux. Je scrute la nuit zébrée d’éclairs. Je tente encore de les fixer, comme naguère, comme en juillet 2014. Les embruns éclaboussent mon visage, et mon dieu que c’est bon de se sentir ainsi redevenu Vigie, guetteur d’orage, avec de nouveau un horizon dans la tête. Je fixe les éclairs, id est je les photographie – ou j’essaie. Soudain une fausse manœuvre inverse la prise de vue, le flashe se déclenche et c’est ma propre image qui apparaît, avec en arrière-plan la chambre rouge de sous les combles.

Le guetteur a vieilli, certes, avec son crin grisonnant dressé sur la tête, et ce ne sont pas les éclairs qui brillent dans ses prunelles mais seulement le flash intempestif : qu’importe, le navire a repris sa route, et, serviteur, son commandant, dans cette mise en scène, salue l’advenue du mois d’août et vous salue.

 

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

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