Une parenthèse en Ardèche (Joyeuse, octobre 2020)

 

 

 

Couvre-feu à Joyeuse

 

 

Ardèche06

Ciel de traîne au-dessus et au-delà du village claquemuré dans l’attente du couvre-feu. La flûte égrène les notes du rondeau de Purcell, une variation sur un thème de Bach, et le souffle ici aussi se fraye un chemin entre les lignes noires de l’anxiété et cette belle parenthèse de tendresse musicale où il est si bon de se reposer qu’on souhaiterait s’y installer pour toujours…

 

Si je ferme les yeux je revois les feuilles rouges emportées par la pluie dans une ruelle de Balazuc, hier, ou bien l’arche sombre du Pont-d’Arc et les enfants nageant dans l’eau glacée, ou la course vers Chauvet, après l’accident, pour cette visite encore plus rapide que la première fois et aussi décevante.

 

Si je ferme les yeux je revois cette maison à quatre niveaux qui appartient déjà au souvenir, et les quatorze ans de Léo qu’on a fêtés là-haut, dans la cuisine.

 

Puis soudain la déchirure ramène à la dureté, au présent sans pitié ; la musique et les mots raccommodent encore tout ce qui peut l’être. On reprend souffle. La nuit tombe sur ce décor expressionniste de brouillard et de ruelles désertes que nul enfant ne parcourt plus en criant. Le couvre-feu. L’anxiété. Les îlots. La parenthèse rouverte. Le repas heureux. Précaire. Le bonheur précaire, précieux, sous surveillance.

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