L’accordéon

Chaque semaine l’image de Raphaël apparaît sur le grand écran de la cave pour le cours d’accordéon à distance. Raphaël me guide, presque ligne à ligne, dans cette partition difficile d’ « Asturias », et c’est une grande joie de voir le morceau se construire sous mes doigts encore raides mais un peu moins malhabiles qu’autrefois.
L’accordéon est revenu au premier plan, comme si certains blocages dont la nature psychologique ne m’a jamais échappé, avaient sauté. Je joue plus vite, plus longtemps, avec plus de souplesse et plus de plaisir. Si je passais à écrire ne serait-ce que la moitié du temps que je consacre à la musique, je me dis avec regrets que mon livre de Madère serait quasiment terminé. Est-ce que je ne m’égare pas ? Est-ce que je ne me disperse pas ? Je n’en sais rien. Du point de vue de l’écriture, sans doute. Du point de vue de la vie à laquelle l’écriture doit rester subordonnée sous peine de perdre tout ce qui fait sa nécessité, je ne crois pas me disperser, ou bien c’est simplement que la vie est multiple, ondoyante, elle-même dispersée. Depuis que ma vie au Villard est de nouveau joyeuse et paisible je ne crains plus cette dispersion-là. C’est peut-être pour cela que je joue plus librement. Tout est plus libre, plus confiant.
Ainsi je reprends la partition d’ « Asturias », refaisant inlassablement les mêmes acrobatiques enchaînements. Puis je me délasse un peu sur cette très belle pièce de Granados travaillée cet été et qui met, dans ma cave en novembre, un parfum d’Espagne, ou bien je reprends telle autre pièce jamais rejouée depuis cinq ans et c’est à travers le temps cette fois que je voyage…


