Vigie, septembre 2022

 

Le coprin

 

 

Au retour du travail je retrouve la joie impatiente et débordante de Rimski, les enfants devant leurs cours du CNED, Élodie occupée à planter dans ce terrain qui ressemble de plus en plus à un jardin, et qui s’exclame sur un ton pathétique : « J’ai coincé une branche dans mon broyeur ! » On bavarde, on mange, on décoince la branche en question, puis je repars à travers champs.

Il a plu encore cette nuit et de très grands nuages incroyablement lumineux s’élèvent dans le ciel d’aujourd’hui qui n’a rien à voir avec celui d’hier. Les halos m’éblouissent. Colchiques violets sous le pommier qui croule de beaux fruits rouges et verts. Quelque part quelqu’un tape sur les tôles d’un toit. Comme je pénètre de nouveau dans la forêt, au point de jonction du Nant et du Gelon, un sentiment d’extrême bien-être me saisit, quelque chose qui est au-delà du simple délassement et en-deçà de l’extase mystique, entre le bonheur et la joie.

Je sais pourquoi. C’est à cause de l’odeur de l’eau mêlée à celle des sapins ; à cause de cette douceur de début d’automne qui fait comme un printemps plus mature ; à cause aussi de ce replat sur le sentier qui fait qu’on avance absolument sans effort ; à cause enfin du chien blanc qui m’accompagne, de la présence aimante de celles et ceux qui m’accompagnent et rendent la solitude exquise.

Même l’odeur des balsamines paraît moins agressive, plus subtile. Ce coprin géant, c’est dommage : si je le photographie en plan moyen, du pied à la tête, on ne verra pas l’échelle et personne ne pourra se douter qu’il fait bien trente centimètres, alors je le photographie de très près, et l’on dirait un pelage de bête. Je me revois tout gamin, dans le parc du lycée de Chambéry le Haut, ramassant les coprins que je ramenais à ma mère, moins enthousiasmée que moi par ces champignons d’un goût assez médiocre, mais qu’elle cuisait quand même pour me faire plaisir… J’ai eu et j’ai encore cette chance de vivre entouré de personnes bienveillantes.

 

08/09/22

 

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