Vigie, septembre 2022

 

Le train du soir

 

 

Chaleur d’été et plein soleil sur la fourmilière et l’enclos des ânes. L’or de la journée m’ayant filé entre les doigts, j’en cherche les dernières paillettes à travers les lueurs de la canopée et les reflets du torrent. Cet or, je l’ai vu quelquefois briller dans l’entrelacs de certaines phrases du livre que j’ai continué à relire et corriger cet après-midi. J’ai vu de belles choses qui m’ont touché, sans que j’y sois pour grand-chose puisque je ne fais, dans ce livre de notes, que recueillir ce qui est : c’est simplement que la vie même est précieuse et touchante. Ainsi j’ai lu, j’ai travaillé sous la terrasse de mon « bureau du dehors », comme revenu au temps des vacances d’été, avec Rimski étendu à mes pieds. Mais en septembre le jour dure moins longtemps, vers six heures j’ai senti la fraîcheur tomber sur mes épaules et j’ai réveillé Rimski pour le tour habituel.

Le long du torrent on marche vite, comme s’il y avait urgence, dans l’haleine capiteuse des balsamines. Soudain j’oublie mon corps et il me semble n’être plus qu’un esprit minuscule embarqué dans le poste de pilotage de cette tête qui fait comme une cabine de train. De part et d’autre du ballast le paysage devient abstrait. Sur la vitre de mes yeux défilent les images du jour, les nouvelles du soir : Rimski à la poursuite d’un chevreuil, les scènes de liesse dans les villes libérées par la contre-offensive ukrainienne, Léo devant son ordinateur travaillant on l’espère à son devoir de SVT, Élodie au jardin, une poignée de girolles au milieu du chemin – voilà ce qui défile sur la vitre de ma cabine mentale.

J’avance vite, en sifflant.

 

12/09/22

 

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