« Juste un cri dans la nuit »
J’assiste, dans le salon lambrissé d’un château, à une étrange exposition de peinture où ce ne sont pas les visiteurs qui se déplacent mais les tableaux qui viennent à eux. Nous sommes assis dans des fauteuils et les tableaux bougent, projetés sur les murs. Je suis d’abord ému aux larmes par certains paysages ou portraits animaliers, représentant, notamment un hérisson, une mésange bleue sur une branche enneigée, une nature morte qu’il vaut mieux dire still living, et des paysages ordinaires sublimés en des tons à la fois pastel et incroyablement nets, comme le sont toutes les sensations de ce rêve ; puis les tableaux deviennent plus banalement des pastiches de grands peintres et je me désintéresse du spectacle de cette peinture sans matière : des van Gogh sans épaisseur, cela ne me parle plus.
La conférencière qui anime la séance nous conseille cependant de rester car, dit-elle, « le spectacle va changer de dimension ». C’est à présent l’intérieur d’un bateau qui est projeté devant nous. Nous sommes invités à nous y rendre et à nous asseoir sur les bancs de bois d’un souvenir qui navigue sur le lac du Bourget en été. « On se croirait vraiment dans l’holodeck de Star Trek ! » m’exclamé-je. Je m’amuse à tenter de distinguer les personnes, avec lesquelles il est possible de parler, des personnages qui ne sont que des figurants fantomatiques et muets. Ma mère est là, à côté de qui je m’assois. Nous bavardons paisiblement, jusqu’à ce que je lui pose la question : « Mais toi, est-ce que tu es bien réelle ? Ce n’est pas possible, puisque tu es morte. Comment se fait-il que tu me répondes ? Je suis peut-être mort aussi, ou bien un figurant ? » Josette commence alors à pousser un cri strident, une sifflement mécanique, inhumain, qui se prolonge, qui s’amplifie, que je ne parviens pas à arrêter, je lui tiens la main et la supplie de cesser mais le cri continue.
Je me réveille sous les coups de langue de Rimski, que mon agitation semble avoir inquiété.
29/12/23
