Route, mai 2014

 

 

QU’EST-CE QUE TU VOIS ?

 

La clôture toute neuve qu’a installée M. Villard autour de son jardin potager, auquel il travaille tous les jours avec beaucoup d’application (et mon père aussi, cette année, parce qu’ils ne partiront pas, a de nouveau fait le jardin).

À main droite la mare presque entièrement recouverte de végétation, et à main gauche le jardin d’herbes aromatiques de Joël.

Une piste part à travers la forêt qui mène à des maisons qu’on ne peut atteindre qu’à pied ou en véhicule tout-terrain : ceux qui ont choisi d’habiter là-bas doivent aimer l’isolement, et l’on imagine une enclave de paysans chasseurs vivant en quasi autarcie avec leurs animaux.

Le temps gris vert s’annonçait superbe tout à l’heure mais semble déjà voilé. Sur la route, les restes d’un oiseau écrasé, chair broyée, sang et os apparents. Voici, au flanc sud du paquebot de l’Épine, le grand hublot calcaire qui me sert de repère.

Partout la montagne, qui n’écrase pas ni ne borne vraiment le paysage mais impose sa démesure en nous reliant aux nuages.

Plus de cerfs dans le grand champ aux cerfs, mais on les a encore observés il y a quelques jours.

L’herbe a tant poussé qu’on ne voit presque plus les piquets rouges qui délimitent les propriétés ainsi que les clôtures.

Les crêtes, de moins en moins enneigées, font espérer de prochaines escapades. On voit assez nettement la terre d’un brun très sombre qui découpe sur les derniers névés ces petits îlots sur lesquels poussent, on imagine, perce-neige et aux crocus. Là-haut c’est le tout début du printemps. Les chamois sont remontés et les marmottes se gavent de jeunes pousses…

Dans un vol d’hirondelles la cloche de la Chapelle du Bard sonne huit heures.

Le crottin de cheval qui macule le bitume me rappelle que cette route aménagée pour les voitures suit assez vraisemblablement un ancien sentier d’abord tracé par les bêtes et les hommes. Je traverse ce paysage à une vitesse inhumaine, comme le ferait aussi le train. Je suis le conducteur et le passager de mon propre train. Et je me gave de ces images avec une avidité à peine inférieure à celle des marmottes…

 

lundi 19 mai 2014

 

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