Vigie, mars 2014

 

 

DERNIER SOUFFLE DE L’HIVER

 

 

 

Averse de neige. À nouveau tous les champs sont blancs et l’on se retrouve propulsé en hiver. Les flocons tourbillonnent avec une sorte de frénésie vengeresse. On avance avec prudence. Les forsythias en fleurs ternissent sous la neige. Le printemps paraît momentanément étouffé. Jonquilles défaites au bord de la route, qui penchent la tête sous le poids de la neige. À partir de Presle le printemps revient. La neige qui flotte encore un peu autour du magnolia en fleurs, ressemble plutôt à des pétales blancs. Et ce prunier en fleurs ressemble à un arbre enneigé.

À la maison la lapine s’est mise à s’arracher les poils pour confectionner dans sa cage une sorte de nuit. L’instinct, la poussée du printemps, même à l’intérieur d’une cage.

Rêvé cette nuit de S. qui avait les traits de ma grand-mère, ou de ma grand-mère devenue comme S., malade Alzheimer. Je lui rendais visite dans sa chambre d’hôpital et elle me reconnaissait encore. Je m’en allais mais il me fallait revenir parce que j’avais oublié quelque chose dans la chambre. Elle ne me reconnaissait plus, elle ne comprenait pas qui j’étais ni ce que je faisais là, elle était terrifiée et pleurait. Je la prenais dans mes bras et je pleurais avec elle. Je savais que je ne la reverrais pas. Soudain elle renversait la tête en arrière et gardait la mâchoire ouverte. Je pensais qu’elle venait de mourir mais il y avait encore un souffle, un tout petit souffle qui passait.

Le retour de l’hiver semble associé à la mort. Ici cependant le contraste entre les champs verts, les fleurs mauves, jaune, blanche, et les hauteurs fraîchement recouvertes de neige est admirable. Vert très tendre des saules pleureurs. Vert plus pâle des saules marsault. Vergers rassurants.

 

23 mars 2014

 

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