La salle en mai

 

Un visiteur

 

Pour tenter de dire les vertus de la poésie en général et de personnification en particulier, je leur raconte comment, après avoir constaté que j’accomplissais de façon si machinale le trajet qui chaque jour me mène au collège que c’était un peu comme si j’étais transformé en robot pendant tous ces moments morts, je me suis mis à dialoguer à ma route. Soudain, Marie-Lou, les yeux exorbités, montre du doigt la fenêtre et s’écrie : « L’oiseau ! Il est tombé ! — C’était une corneille, je suppose ?  — Je ne sais pas, Monsieur, il était devant la fenêtre, immobile, mais en l’air, et soudain il est tombé ! Oh, regardez, le revoilà ! — Eh bien, nous avons de la chance : c’est un faucon crécerelle qui fait le vol du Saint-Esprit ! Un beau mâle en tenue de parade, voyez comme ses ailes sont orangées ! Voici un des rares oiseaux capables de pratiquer le vol stationnaire, ce qui est une prouesse, et c’est aussi la première fois en quinze ans que j’en vois un depuis cette salle. — Il vole comme les colibris, alors ? — Oui, un peu, mais les colibris battent plus vite des ailes, je crois que cela dépasse les soixante battements par seconde, et dépensent donc beaucoup plus d’énergie ! »

Pendant ce temps l’oiseau a fini par s’éclipser, mais sa visite inattendue a permis, outre ce petit cours d’ornithologie, de se mettre dans l’état d’esprit idéal pour parler de ville et de poésie, me remettant en mémoire ce temps lointain où, prisonnier de la grande ville, je m’en échappais grâce à l’observation ornithologique…

 

23/05/23

 

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