Vigie, mars 2013

 

 

LA DOUCEUR

Matin de brouillard
que le renard traverse
sans être vu, croit-il.

Les flocons dansent
tout autour du réverbère —
papillons de nuit.

Toute la journée d’hier, j’ai travaillé à la salle de bain : un peu de peinture, quelques joints, le ménage, les meubles… La musique de Pérotin a donné à l’exercice la dimension d’une sorte de rituel. Purification des pensées et de certaines dérives de l’activité consciente. Que les quotidiennes ablutions en cette salle de bain aussi colorée qu’un costume d’Arlequin soient purifications du corps et de l’esprit.

Comme toujours, le très grand contentement d’une nouvelle pièce remise à neuf, gagnée sur le terne, le sale, le mal fichu, et sur tout ce qui rappelle que cette maison ne fut pas toujours nôtre, fait oublier le désagrément des travaux.

Je m’assois avec les enfants sur le tapis aux éléphants qui finit de donner un aspect cossu, chaleureux, à ce tout petit espace que la musique, les miroirs et les carreaux brillamment colorés agrandissent. Moment indubitablement heureux.

À présent la bruine et le brouillard baignent la silhouette aux cinq branches du poirier, sur laquelle se perchent des pinsons du nord.  Nous sommes dans cette pièce presque sans passé des combles, habitée naguère seulement par quelques chauves-souris. Tic-tac assez nonchalant de l’horloge aux oiseaux. Même les pépiements ne font pas remuer l’oreille de la chatte. Un pic traverse l’opaque. On s’apprête aussi à traverser l’opaque de cette journée, de ce printemps, de cette vie dont les mois à venir, la douceur et l’espoir, semblent rassemblés en cet instant dans la chambre sous le toit. On va aux fenêtres. Bientôt on s’attable. Les repas. Les devoirs. La douceur.

24 mars 2013

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