PRIS À LA NUIT
Ces voix chères, ces voix aimées tout à l’heure entendues de si loin, comme noyées par la nuit, comme déjà perdues ;
ces rêves de fêtes et de nouveaux départs (et l’on reparle de Venise, du Grand hôtel des Bains désormais détruit, de Florence ou de la Camargue) ;
cet allant, cette générosité souple et simple avec laquelle mon père tout entier à sa tâche vogue d’écueils en écueils et chevauche les anicroches ;
cette limpidité sonore de la voix de ma mère qui parle du cancer et endure les maux des traitements sans défaillir ni jouer les bravaches ;
les facéties de la chatte Dana dont le poil blanc crème évoque l’écume, et qui se blottit dans les bras en ronronnant ;
les mots des enfants enfin, ces phrases comme : « les voitures sont dans le banc coffre », « quand j’étais petit on se baignait ensemble et on jouait avec une balle, papa » (mais tu es encore petit, tu sais) ;
N. lisant malgré l’heure tardive À l’ombre des jeunes filles… ;
tout cela ainsi pris dans la pluie, pris à la nuit, serré ici…
5 novembre 2012