Route, avril 2015

 

REPARTIR EN AVRIL

 

 

 

 

Repartir 

avec un œil fermé

et de la glace sous les ongles 

reverdir

malgré les coups de bec 

et la morsure du gel 

refaire chaque fois 

son premier envol 

malgré le chat et le renard qui rôdent 

quémander sa becquée 

en pépiant plus fort 

caché parmi les feuilles

redresser sa corole

parce que c’est le matin 

et que la pluie a cessé 

fleurir 

pour personne et pour rien

dans l’ombre des talus 

repartir 

en fumée en nuage en pluie 

en torrent et en flaque 

ruisseler 

s’assécher 

redescendre 

la route de sa vie et simultanément 

la remonter 

à pas peinard de collégien 

tourner se détourner 

du silence qui tombe et du chemin barré

éviter le cadavre du merle raidi sur la chaussée 

repartir de plus belle 

dans la flamboyance des forsythia 

et les premiers bourgeons des lilas 

reconstruire à gros blocs 

la maison effondrée 

du plus haut de la grue se risquer au vertige 

réparer les plaies de la route 

reverdir 

vieille montagne au teint terne 

danser de nouveau 

funambule invisible 

sur les crêtes d’avril 

s’arrêter au feu rouge pour 

laisser passer le convoi 

effleurer du regard le mystère de ce cercle 

de joncs jaunes dans le champ vert 

repartir 

avec l’élan des premières fois 

la foi naïve de ton premier voyage 

la gravité aussi qui ne t’entrave pas 

mais t’entraîne 

déclamer de plus belle sa chanson :

repartir en avril.

 

2 avril 2015

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