LA LANGUE D’OCTOBRE
Comme un quidam qui soliloque
dans sa voiture avec son disque
du chinois ou de l’anglais sans peine
tenter d’apprendre la langue d’oc-
tobre : tenter d’apprendre
à acquiescer
à dire et redire oui seulement oui
dans cette langue de fin brouillard
oui à ce qui ralentit
ou accélère la progression
oui à la pente et au virage
oui au chauffard qui le coupe
voire à ces moustachus en armes
qui disent « non » à la vie
oui aux coups de feu dans la brume
à la terre retournée, à l’humus
oui-da, c’est entendu
à tout ce qui ternit
à tout ce qui durcit
au chagrin qui s’enkyste
à la joie qui persiste –
au ravin, un oui un peu distant
à l’éboulement un oui prudent
à l’imprévu de la déviation un oui sans retenue
au mélèze qui commence sa métamorphose
un oui impatient
aux redites à la répétition
un oui sans réticences
aux jeunes gens qui passent
un oui teinté de nostalgie
à la croix rouillée sur fond rouille
un oui presque inaudible −
de jour en jour opiniâtrement
pratiquer ainsi la langue d’oc-
tobre, dire et redire oui
à la vie, à la mort
à la route.
1er octobre 2015