Vigie, janvier 2017

 

 

 

CONTRE L’OUBLI

 

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Retrouvé cette nuit ma mère en rêve. Nous marchions tous deux sur un long chemin tout droit, comme en Camargue (à croire que nous n’avons jamais fait que marcher sur des chemins), et je pleurais intérieurement en me regardant parce que je savais que cela ne durerait plus très longtemps (à croire que je passe tous mes rêves à pleurer).

 

Dans un autre rêve Nathalie, les enfants et moi habitions l’appartement de Chambéry-le-Haut, dont la porte était devenue molle comme du pain moisi et s’enfonçait. Un couple se disputait bruyamment dans l’entrée, dont nous nous moquions et à qui je demandais sans aucune diplomatie de se montrer plus discrets. Ce rêve était saturé de saveurs remontées tout droit de mes années d’enfance : grandes affiches de Guidoni, coulemelles mises à sécher dans la buanderie, et la porte de l’entrée qui aurait été tout à fait réaliste si elle n’était devenue si flasque.

 

La journée qui s’écoule est pareille à ce pêle-mêle des rêves, faite d’images attrapées à la fenêtre (lumière aveuglante, sitelle et grive dans le poirier), d’attente, de musique, de ménage, et constamment criblée du souvenir de ma mère qui revient par vagues. Je joue « Oblivion » en pensant à elle, et constate qu’il manque définitivement une pièce à tout ce que je peux faire. L’accablement est indéniable, qu’on tente de rendre fécond : c’est lui, qui plus que tout, me pousse à travailler – c’est le désir ou la nécessité de me tricoter un chandail de mots et de notes à partir de ce manque pour essayer d’avoir un peu moins froid, pour le contourner ou pour le justifier ; pour continuer également le dialogue et ne surtout rien céder à l’oubli.

 

20 janvier 2016

 

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