Notes normandes (août 2016)

 

 

 

L’Histoire

 

Normandie11

 

À Omaha Beach on ne peut pas se figurer l’horreur, encore si récente, de tous ces jeunes gens massacrés sans lesquels on n’ose imaginer ce qu’aurait été la suite de l’Histoire, de notre histoire. On entre cependant sur cette plage où jouent les enfants comme dans un sanctuaire. On s’assoit face à la mer au pied du cimetière. Juste le bruit du ressac et les bruitages habituels de Clément. Ciel voilé, peu de monde. On lit un moment un livre qui raconte l’histoire de ces braves qui moururent ici : les barges qui coulent, l’équipement trop lourd, les renforts qui n’arrivent pas, la déroute empêchée seulement par le courage et la volonté folle des survivants.

 

Au cimetière tout un grand groupe d’Américain chante l’hymne de leur pays face à l’alignement des tombes. La pelouse est superbe et les croix blanches brillent, qu’un jardinier badigeonne de produit anti-mousse tandis qu’un autre coupe l’herbe aux ciseaux.

 

Plus loin les cratères des bombes sont devenus parcours de jeu pour les enfants, qui glissent et escaladent en riant le terrain ravagé, gardé tel pour mémoire, du grand exploit guerrier, du massacre – et je repense à tous ces poèmes de Follain qui juxtaposent de façon si troublante les époques, à la « haie haute et touffue » qui « cache l’endroit des fusillés ». On passe en baissant la tête, tant on sent bien à quel point on n’est pas héroïque ; on passe en tremblant à l’idée que la fièvre patriotique ne revienne un jour affoler nos garçons si l’horreur de l’Histoire à nouveau s’abattait sur nos vies protégées.

 

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