Notes normandes (août 2016)

 

 

 

Camembert

 

Normandie09

 

À Camembert, en plein soleil, on goûte aux charmes cosmopolites de l’oisiveté presque hors-saison, à la toute fin du mois d’août, quand l’été semble se prolonger et que le vent balaye doucement l’inquiétude. Une famille russe avec volubilité et force roulements d’r affronte l’épreuve de la dégustation, tandis qu’on admire certaines boîtes du fromage national revues à la mode nippone et qui semblent plutôt proposer un morceau de tofu soyeux pour magasin vegan – et l’on imagine l’effarement du brave tokyoïte qui estimera sans doute que sa francophilie, son amour de Proust et de Piaf et ses rêves de vacances en France, ont des limites.

L’enfant, cependant, dont le front s’orne désormais – souvenir des jeux en bois dur de Sées au sortir de ce concert où Messiaen faillit ouvrir en deux la coque de la nef – d’une belle bosse violacée pareille à une figue mûre, suce sa glace en chantonnant, bourdon enchanté de l’été, à l’ombre du prunus roux et du petit pommier, un œil aussi sur la boule de verre à pétales de cerisier (ou flocons de neige) qui représente la Normandie telle qu’on ne peut la voir que sur les boîtes de Camembert destinées à l’exportation chinoise, qui a d’ailleurs été fabriquée en Chine, que l’enfant a voulu absolument acheter et qu’il gardera longtemps dans sa chambre jusqu’à ce qu’elle se brise, fatalement, comme se brisent les souvenirs.

 

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