Notes normandes (août 2016)

 

 

La cathédrale

 

Normandie08

La route grise, la route aux grands ciels, la route verte, la route nouvelle est sans repères parce qu’on ne connaît pas le pays et qu’il y manque les montagnes auxquelles on est tellement habitué ; on apprend néanmoins à s’y orienter, et l’on découvre peu à peu d’autres repères. On voit ainsi  venir de loin les deux clochers de la cathédrale de Sées (perspective malheureusement gâchée par un pylône électrique), que l’on retrouve au bout de chaque ruelle et dont on voit grandir les falaises grises peuplées par quelques milliers de pigeons (pour qui le monument n’est en effet rien d’autre qu’une falaise), falaises qui ne nous écrasent pas mais nous élèvent.

On entre, on passe de l’ombre à une autre lumière, et c’est aussitôt comme une sorte d’ascension immobile – la tête vous tourne devant les kaléidoscopes chatoyants des vitraux et cet appel irrésistible vers le haut ; les piliers de pierre grise sont d’immenses arbres, et l’on marche ici comme on marcherait dans une forêt sacrée.

Pour sortir l’individu de sa petite prison de préoccupations profanes, il faut avouer qu’on n’a pas lésiné sur les moyens ; pour les cas désespérés de rétrécissement routinier, une cathédrale peut être un remède – l’équivalent, donc, d’une escapade en montagne ou en forêt. On reste saisi, navré de ne pas avoir la foi, plus navré encore de ne pas savoir déchiffrer ce langage désormais incompréhensible de la symbolique chrétienne, dont on ne comprend superficiellement que quelques bribes.

Quelque chose ici continue à parler, mais de façon à peine moins obscure que l’art pariétal ou certaines forêts anciennes comme le bois de Païolive en Ardèche. Faute de langage, on se tait, on s’assoit longuement au pied d’une statue de la Vierge à l’enfant qu’assombrit le rayonnement rouge et bleu du vitrail. À rester assis on finit par ne plus rien percevoir d’autre que le contraste entre l’ombre et la lumière, et les représentations s’effacent peu à peu au profit de cette clarté vers la célébration de laquelle toute la cathédrale est tournée.

 

Longue marche heureuse dans le vieux bourg sous un crachin persistant qui fait dire que, cette fois, on est en Normandie.

 

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