Notes normandes (août 2016)

 

 

 

Le port

 

Normandie10

 

La terrasse au-dessus du port, à Port-en-Bessin, ce matin d’août…

 

À croire qu’elles n’attendaient que ce signal du clocher, plus encore que celui du soleil, pour se mettre à miauler à l’unisson, les mouettes du port ; le clocher ne sonne plus, mais elles continuent, relayées par les tourterelles qu’elles semblent avoir réveillées et les goélands gris qui, eux, râlent sporadiquement dans les rauques en élançant le cou vers le ciel pâle.

Bientôt la colline en face s’allume, façades crème virant à l’ocre, pelouse au vert ravivé, flash de l’inox d’une cheminée qui fait comme un phare diurne, écho de celui qu’on observait hier soir sur la jetée, renvoyant l’éclat du soleil qu’on ne voit pas encore mais qui a dû passer l’horizon du côté de la petite tour grise et grignote rapidement la toile de l’aube.

Bruits de camions, va-et-vient, clameurs des mouettes et de quelques marchands, caisses qu’on débarque, qu’on embarque en faisant rouler le diable brinquebalant sur le trottoir étroit jusqu’au camion aux feux clignotants qui obstrue la rue mais ne gêne personne, puisque personne ne passe encore.

Cinq jeunes moineaux vont de terrasse en terrasse, en quête d’un bipède assez matinal pour avoir commencé son petit-déjeuner (le plat que je leur propose ne leur convient pas et ils me lancent une série de pépiements brefs et courroucés avant d’aller voir plus loin).

Le soleil n’a pas encore atteint l’eau du port, qui reste encore limpide et reflète froidement les couleurs vives des devantures – les… dans l’eau (un arbuste cache le mot), bar-tabac-loto-presse, restaurant (en blanc sur fond bleu), le marché de Lalie, Marie-Rose, Les délices de Normandie

Ancre bleue, volets bleu marine, lampadaire bleu plus clair, toits gris insensibles au soleil, qui font comme des taches d’ombre même dans la partie ensoleillée de la petite colline et qu’on dirait davantage faits pour accueillir la pluie – ou le guano, dont la grande maison à l’entrée du port est aussi maculée qu’une falaise.

Un grisard plane vers le bourg.

Nouvelle salve de miaulements rauques qui appellent, qui rappellent d’autres matins dans d’autres ports, d’autres départs, d’autres arrivées, dans une autre vie ou sur le versant ensoleillé de celle-ci, en un temps où l’on n’habitait pas une aussi belle terrasse mais où l’on marchait au soleil ; puis les cinq moineaux reviennent et ramènent au présent, quémandant mieux que des mots.

Je repense à ce couple de Fous échoués ici et qu’Astrid allait nourrir, dont l’un était blessé et que son compagnon ou sa compagne ne voulait pas quitter – qui sont repartis, finalement, aidés par les pompiers.

Une hirondelle traverse avec frénésie cet espace du port qui ne semble fait que pour la glissade des goélands – trop petit pour les Fous – et que l’on traverse aussi du regard, où l’on s’attarde encore un temps jusqu’à ce que le soleil en ait pris possession.

 

Ce contenu a été publié dans Divers ailleurs. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.