Vigie, juillet 2022

 

Quartiers d’été

 

 

Une tourterelle chante dans l’air encore frais de cette fin d’après-midi d’une fin de semaine, la dernière avant la grande vacance d’été. Je laisse le soleil et les nuages jouer à cache-cache au-dessus des champs et m’enfonce dans le sous-bois en quête de girolles. Des merles tapis dans les feuilles s’envolent bruyamment devant nous, au dernier moment, affolant Rimski qui, malgré une vilaine blessure à sa patte avant droite qu’il faudra soigner au retour, ne boîte pas et même, bondit comme si de rien n’était. Je le laisse me guider entre les broussailles car nul champignon ne pousse aux endroits habituels ; il me mène sans hésiter dans un coin de clairière où je trouve un bouquet de girolles – les rares que je ramasserai en ce mois bien trop sec ; puis nous repartons en trottinant vers le Gelon au grand fracas.

Je m’assois sur la grève au bout du toboggan de pierre, les pieds dans l’eau froide, à cet endroit qui est le plus paisible de la promenade. Odeurs d’eau et de vase fraîche. Paysage mouvant des arbres dans les remous. Miroitements reflétés sur la tonnelle des noisetiers et des saules. Un poisson heurte ma botte et me fait tressaillir. Dans le long silence qui suit on entend distinctement les trois ensembles qui composent l’orchestre du Gelon : à l’arrière plan, les tambours du torrent qui tapent dans le toboggan, au bout duquel une petite chute d’écume blanche tourbillonne dans la crique d’eau calme où je trempe mes pieds ; à quelques mètres derrière moi, les flûtes puissantes et aigües de la deuxième chute ; et puis, tout près, les bruits d’eau de Rimski qui patauge juste au bord comme un petit enfant… Quelqu’un ici a oublié ses tongs brésiliennes, ou bien les a laissées volontairement parce qu’il sait qu’il reviendra.

Je sais qu’on reviendra, dis-je, les jours où il fera trop chaud au village, on tendra un hamac, une longe, et l’on prendra ici, peut-être, nos quartiers d’été.

 

01/07/22

 

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