Vigie, février 2024

 

Quelque chose à scruter

 

 

La pluie, la vraie, est venue dans la nuit, nimbant de ses nappes des rêves par ailleurs saturés de flammes multicolores et de champignons atomiques (on a regardé hier soir l’Oppenheimer de Christopher Nolan). Puis l’averse a duré, dure encore et durera tout le jour si l’on en croit les prévisions. Elle crible la gouille d’impacts argentés entre lesquels frayent les grenouilles et glisse le couple de canards colvert qui habite ici. Le grand héron au cou cassé tourne dans l’air gris en poussant des croassements terribles, comme si notre passage le scandalisait, puis il va se poser plus loin dans un châtaignier et je repère un nid qui pourrait être le sien en construction, et ce serait alors une grande nouvelle car jamais, en dix-sept ans, je n’ai vu de héron nidifier ici : il y aura là quelque chose à scruter, ce dont je me réjouis.

La pluie crépite sur le grand parapluie. L’air est doux, huit degrés au-dessus des « normes saisonnières » (expression saugrenue qu’il faudra peut-être remplacer par « A.C. », avant la catastrophe). J’ai rêvé cette nuit que des morilles gigantesques avaient poussé partout, bien trop tôt, puis que le gel ou plus vraisemblablement les radiations les avaient brûlées sur place, et je regardais, navré, les spectres de la cueillette que je ne ferais jamais.

Un lombric rose violacé se tortille sur le chemin détrempé, proie rêvée des oiseaux ou du gel dont on annonce, comment y croire, le retour pour demain…

22/02/24

 

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