Vigie, février 2024

 

Le tempo des contrastes s’accélère

 

 

Comme pour compenser sa chute le soleil déclinant de fin d’après-midi occupe tout l’espace, inondant le marais d’un torrent de clarté. Sitôt qu’on passe à l’ombre on s’étonne du froid qui durcit de nouveau la terre et nous enveloppe aussi impérieusement que, l’instant d’avant, le faisait la lumière ; puis on pénètre dans le sous-bois tout zébré de traits blancs sous l’œil borgne du tronc-totem. Je me mets à courir pour faire plaisir aux chiens, pour libérer cette énergie qu’on a tous les trois accumulée, et pour sentir surtout s’accélérer comme une toupie lancée qui brouille les couleurs le tempo des contrastes entre lumière et ombre, marais et montagne, printemps et hiver. Dans la descente j’éclate de rire parce que je n’arrive plus à suivre, que les racines glissantes qui traversent le sentier me font craindre la chute et que je trouve tout ça très drôle.

Lorsqu’enfin notre course s’arrête, je constate que nous avons quitté le chemin et que je ne reconnais plus rien. Les troncs qui nous entourent semblent immenses et le sol entièrement recouvert d’un vert phosphorescent onirique, ou cauchemardesque. Un gros oiseau invisible en s’envolant fait bruyamment claquer ses ailes entre les branches. On entend au loin une plainte, probablement d’un chien. Je me laisse dériver un moment entre les troncs, tiré à hue et à dia par les chiens – puis on retrouve le sentier connu et on débouche sur la partie basse du marais où le gel persiste.

Bien décidé à poursuivre ce chemin des contrastes, je remonte vers la lumière en direction de ce qui m’a d’abord semblé des cris de canards sauvages et qui s’avère être des oies, trois ou quatre oies domestiques qui cancanent dans leur enclos, en fond de combe.

13/02/24

 

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