Vigie, février 2024

 

Retour vers la Jasse

 

 

Faisant fi de tous les devoirs, tracas et tâches urgentes je monte dans la voiture avec les chiens, et la route me ramène sur l’adret des Hurtières où je viens chercher en général la première et la dernière neige (j’avais bien dans l’idée de m’arrêter au Cucheron, mais il n’y avait plus une place libre à cause, je crois, d’une course de vélo). Je franchis prudemment les passages verglacés, me gare et file à pied et à pattes sur le chemin enneigé, lumineux, laissant défiler derrière les traits verticaux des grands épicéas la mer de nuages qui emplit la Maurienne, la pente enneigée, les sommets illuminés.

Silence de neige rayé de rares trilles. En contrebas passe une colonne de congénères bruyants et colorés. Moi, je voudrais être invisible et non pas inaudible, je le suis déjà bien assez, mais insonore. C’est trop demander aux chiens, évidemment, qui ont dû sentir la présence des chamois…

Bien sûr je n’irai pas danser sur les crêtes verglacées, je ne suis pas équipé et la pénombre du sous-bois me convient davantage, mais venir ici, c’est sans doute, une semaine après l’accident, façon de reprendre contact avec cette montagne qu’on avait du mal à ne pas regarder d’un sale œil.

Je m’enfonce dans la neige maculée de terre, percée d’aiguilles. J’ai le pas hésitant et le soleil aussi hésite entre les troncs noirs. Serrés l’un contre l’autre les deux chiens blancs unissent leurs forces pour me tirer, pauvre bipède. Je repasse au soleil pour rejoindre le refuge de la Jasse. Les souvenirs glissent sur la vaste pente, laissant des traces de luges enfantines. Plus loin, je parle chien avec d’autres randonneurs, cela rassérène. On monte sur la neige verglacée, monter est si facile — quant à la redescente, je préfère l’ignorer.

04/02/24

 

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