Vigie, février 2024

 

Prière

 

 

Puisse ce printemps précoce qui n’a cessé de rôder l’hiver durant mais qui, depuis que les grenouilles rousses ont pondu leurs grappes bleutées dans l’eau de la gouille autour de laquelle le héron gris tourne en poussant ses cris rauques, semble bien décidé à prendre durablement ses quartiers (et ce malgré la neige qui a finement reblanchi les crêtes et dont on annonce le possible retour la semaine prochaine, prédiction qui coïncide trop bien avec les vacances des touristes pour qu’on y croie), – puisse ce printemps cerné d’inquiétude (parce que Poutine, parce que Trump, parce que Gaza, parce que le climat, etc.) être le signe d’un vrai renouveau.

Il n’y a pas si longtemps tout semblait funèbre (et tout à l’heure encore à cause des yeux rougis d’une élève, de la mine défaite d’un autre…) ; et puis, soudain, presque sans raison, l’air semble plus léger, l’horizon se dégage, on se redresse dans la lumière et même, on se permet de répondre au héron dans une imitation de son langage qu’il accueille avec un dédain dont on ne s’offusque pas (salut à toi, héron, on se retrouve plus bas comme d’habitude). Au tambourinage du pic répond le ronronnement profond de la mare. Les grenouilles rousses, qu’on observait autrefois accomplir l’exploit de leur migration printanière à travers les champs enneigés, n’ont eu à traverser que des champs dégagés – ainsi tout de même que la route jonchée de leurs cadavres que les corneilles se chargent de nettoyer. Les chevreuils occupent de nouveau le terrain au-dessus de la maison d’Élodie, qui nous rejoint pour le tour habituel.

Il y a dans l’air beaucoup de légèreté et de lumière. Puissent-elles nous envahir…

14/02/24

 

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