Vigie, mai 2014

 

 

INTÉRIEUR BULLES

 

 

Un autre matin de mai, ayant rouvert un peu brutalement le store, on reste ébloui devant le mirage de ce fond de galets sur lequel miroite une eau limpide et peu profonde comme on peut en voir dans certains ruisseaux cristallins du Pantanal. On nage alors à nouveau parmi les loutres bleues et les poissons solubles. On laisse en manière de loutre le regard onduler entre les gouttes, entre les bulles, suivre les rides du ruisseau, divaguer ou s’enfoncer dans ses plis. Bientôt le soleil séchera l’aquarelle de l’aube, les bulles peu à peu délivrées comme des centaines d’œufs ou d’yeux de grenouilles refléteront de nouveau la montagne, s’arrondiront, s’étonneront, se fendront, crèveront, couleront, disparaîtront ; mais pour un instant encore on reste au-dedans, au dehors, pris dans les rets de ce rêve aquatique, on se love dans les bulles, fuyant comme une loutre, muet comme un poisson — risquer une ligne de plus serait briser la bulle.

 

samedi 31 mai 2014

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