Vigie, mai 2014

 

 

LE VENT DE MAI

 

J’aurais voulu écrire sur l’apogée du printemps, que marque ici en mai la floraison des lilas — mais des taches marron sont apparues qui ont commencé à ronger les grappes blanches, et le vent s’est levé qui arrache les fleurs.

J’avais pensé disserter au sujet des Saints de Glace et de cet étrange retour de l’hiver qui, chaque année à cette période, revient faire trembler les oiseaux et déposer une ultime couche de neige sur les crêtes et parfois le jardin ; mais le vent s’est levé, un vent chaud qui précipite la fin des dernières fleurs de neige.

Pris entre deux bourrasques, je tente bon an mal an de souffler quelques mots à propos de ce vent.

Vent chaud, disais-je. Vent blanc, temps blanc, moite, oppressant, opaque, qui ne procure absolument pas l’impression d’une respiration plus ample mais plutôt d’une sorte d’étouffement, et dont l’équivalent visuel est peut-être ce faux ciel de papier buvard aveuglant que l’on regarde quand même depuis la fenêtre, en fronçant les sourcils, comme on regarderait une éclipse de soleil.

Vent pas du tout exaltant mais plutôt effrayant. Il déposera peut-être sur la vitre un peu de sable du désert, mais cela ne donnera pas pour autant l’envie de repartir en voyage. Avec ses airs de maraudeur, cette façon qu’il a de tourner autour de la maison en feulant et de revenir à l’assaut quand on ne s’y attend pas, il serait plutôt du genre à casser un volet, à abattre un bouleau — ou, pire, le grand pin qui valse au-dessus du hameau.

Grondements. Craquements. Le poirier plie. Un passereau s’y pose, aussitôt expulsé. Nuage blanc dans le ciel blanc, que raye transversalement un avion ou l’ombre d’un milan. Puis quelque chose se détend, et l’on se laisse malgré tout aller à ce vent mauvais de mai qui emporte le rafiot vers les tourbillons de l’été.

 

mercredi 21 mai 2014

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