L’école de musique

 

 

DUOS DE L’ENTRE-TEMPS

 

La vieille maison devant laquelle je m’installais parfois et qu’habitait la vieille dame est vide, à présent. On en a abattu les cloisons pour en faire la nouvelle médiathèque.

Trois enfants jouent dans le parc tout près pendant que résonnent trompette et accordéon, dont les sons tonitruants se mêlent aux éclats du gymnase voisin où des hommes en blanc combattent avec des sabres et poussent des cris terrifiants. L’air très doux brûle les narines des allergiques. Les érables bougent un peu auprès des ifs serrés et raides comme pour une parade. L’été tourne et l’on n’annonce aucun orage, mais des températures plus chaudes encore. L’enfant demande quelle sera la journée la plus longue de l’année — on y est presque, cela arrive, ne t’en fais pas…

Maintenant il peine à son morceau, qu’il a pris l’habitude de jouer trop vite, sans en sentir les notes et comme mécaniquement : quand la fatigue perturbe la mécanique le jeu s’enraye, il ne parvient pas à ralentir le tempo et il lui faut redécouvrir patiemment la partition qu’il connaissait par cœur…

Un passant distrait prête l’oreille au duo involontaire de la trompette (c’est au premier) et de l’accordéon (rez-de-chaussée), duo qu’ignorent les musiciens eux-mêmes ainsi que les moineaux qui, eux, jouent pour la terre entière leurs mélodies brutales. Peu à peu le jour décline et les sons résonnent différemment, moins mélangées, plus détachés, solitaires, à l’instar du chant du merle qui a pris le relais des moineaux.

 

La Rochette, 5 juin 2014

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