Vigie, décembre 2014

 

 

 

LE TEMPS DES FÊTES

 

 

On se réveille dans un nuage. Non pas dans un rêve ou le prolongement d’un rêve, mais bien dans la réalité grise, poisseuse et froide d’une asphyxiante masse nuageuse qui fait dire à chacun que cette fois ça y est, l’automne a fini par finir et le gris a gagné.

 

Paysage fantomatique. Les cinq brindilles du vieux poirier tremblent, diffractées par l’eau des gouttes qui glissent lourdement sur la vitre. Le ballet des beccroisés, des pics, des geais, des pinsons, des grosbecs, des verdiers dont on se réjouissait hier pour ce qu’il apportait de couleurs et de mouvements, a laissé place au spectacle austère des branches nues où s’enroule le brouillard. Les chats se pelotonnent à l’intérieur, couchés en rectangle sur les radiateurs. On a installé le sapin censé maintenir une illusion de lumière et de fête tout au long de ce mois sombre (décembre, descendre vers les cendres…). Les enfants et le jeune chat Musique (lui surtout) s’en sont réjouis.

Il y a un peu partout des maisons où des enfants se réjouissent de la venue de l’hiver. Moi, je fais comme les chats (en moins gracieux). Je me voûte, me pelotonne, deviens frileux. J’allume toutes les lampes du bureau pour faire briller la plume qui s’agite sur l’avant-dernière page du carnet. Je regarde les branches et les boucles noires, le stylo noir, l’accordéon noir posé aussi près de moi (quand j’arrêterai d’écrire, je jouerai). 

 

Silence. Juste le tic-tac de l’horloge, le bruit des gouttes à peine sur le toit, le frottement de la plume, le ronron de Musique qui s’endort dans mes bras. Là-dehors les réverbères sont restés allumés. Signaux d’alarme, lumières funèbres : le temps des fêtes est derrière nous.

 

1er décembre 2014 

 

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