Vigie, avril 2009

 

 

JOUR D’ORAGE

 

Les arbres en fleurs et la souffrance. Ce printemps tremblant des jeunes feuilles de bouleaux, ces nuages sombres qui s’immobilisent au-dessus de La Provenchère. Ces sautes d’humeur du temps, ce grondement du tonnerre au loin, et ce râle des tronçonneuses. C’est le premier printemps, ou bien le dernier (l’an prochain Léo sera à l’école, je verse une larme à l’image du cartable et des souliers tout neufs).

« Papa, il y a le tonnerre ! »

Les arbres en fleurs et la souffrance. La souffrance de E. qui a accouché d’un premier enfant mort dans son ventre. La souffrance de D. qui pleurait tout à l’heure parce qu’elle se sépare d’avec son compagnon avec qui elle venait d’avoir un enfant. La souffrance de ce gamin obtus qui quitte la salle comme un fou et me regarde avec un air de défi. Petites ou grandes souffrances, petites souffrances qui paralysent ou enferment, grandes souffrances qui parfois purifient le cœur et font voir les choses telles qu’elles sont peut-être…

La souffrance ce soir resplendit. J’écris en plein soleil dans le jardin qui reverdit, pendant que Léo cul nu court partout en défonçant les taupinières. Jaune éclatant des forsythias, rendu plus jaune encore par le gris sombre qui menace. La plume éblouit. On ne se berce plus de mots comme autrefois. On regarde sans ciller la souffrance et la beauté de ce premier printemps, dernier printemps.

Puis Léo vient se blottir sur mes genoux et déclare : « Papa, je t’aime ».

Comme il réclame encore d’autres mots sur le carnet parce que la course de la plume l’intrigue et l’amuse, j’ajoute ceux-là : la souffrance ; la beauté ; la compassion ; et l’amour qui lave tout, emporte tout, justifie tout.

  

20 avril 2009

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