Vigie, juin 2012

 

 

 

LA FIN DU CHAT

 

 

J’achève les relectures de L’éloignement, jusqu’à cette dernière page qui évoque la mort du chat Pamplemousse. Chadek, son compère survivant, est devenu si maigre. Comme autrefois en Guyane au début de cette longue maladie dont je l’avais sauvé en lui faisant une piqûre chaque jour et en le nourrissant tant bien que mal d’une sorte de graisse répugnante qu’il fallait lui administrer de force, je le retrouve prostré sous la pluie. Je l’amène en urgence chez le vétérinaire. Trente-cinq degrés, deux kilos d’os et de souffrance féline. Je pars sans le chat en pleurant sous la pluie. Je l’imagine sous sa lampe chauffante, avec ses perfusions. « Insuffisance rénale », a dit le vétérinaire. Est-ce que sous ses poils jaunes, sa peau aussi est devenue jaune ? Il n’est pas sûr du tout qu’il en sorte vivant. Peut-être mourra-t-il en même temps que s’achève le livre – la fin du chat est aussi celle d’un chapitre de notre vie humaine. Les animaux de Guyane ainsi disparaissent à mesure que nos souvenirs se dissolvent. C’est aussi cela, l’éloignement.

 

*

 

Averse interminable, litanie des crépitements sur le toit en tôle. Dans la pièce d’à côté le chat se traîne, mange, crache une petite mare de bile que je nettoie, puis me rejoint, épuisé, ronronnant. Je continue à écrire en le gardant sur mes genoux. Je sens sous ma main son squelette encore chaud.

 

6 et 10 juin 2012

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