Vigie, été 2016

 

 

 

LES DISPARITIONS

 

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Ce collège, une fois de plus, je ne le reconnais pas – mais je reconnais certains des élèves de ma classe de Quatrième : certains qui s’y trouvent étaient censés avoir quitté l’établissement, d’autres étaient en Troisième l’an passé – ce qui suppose que nous sommes retournés en arrière, mais dans un passé modifié ; bref, on nage en plein fantastique. Je parle avec douceur et vulnérabilité à cette classe clairsemée dont je ne vois qu’une partie, car la salle fait un coude ; puis, soudain, de manière totalement absurde, je jette sur la voisine d’une élève qui bavardait le contenu de ma tasse de thé brûlant (« Mais pourquoi sur moi ? » proteste la malheureuse. – Ta voisine était trop loin. »), puis demande avec agressivité le carnet de la bavarde. Elle me donne son « carnet », un très beau carnet de bord dans lequel elle était en train d’écrire des remarques sensibles et fines, se plaignant simplement de ne rien voir de ce qui se passait à cause de la configuration de la salle. La contradiction entre mon attitude et mes paroles est telle que j’estime être définitivement discrédité et, couvert de honte, je disparais.

 

*

 

Je suis élève parmi eux. Adulte, mais élève. J’assiste à des cours ennuyeux, déambule comme eux dans les couloirs, anonyme, mal à l’aise. G. s’étonne de ma présence, à qui j’explique que ce n’est pas moi, que je suis là anonymement, pour une raison secrète et confuse, et que je me sens bien perdu, vraiment perdu, ne sachant plus mon âge, ma fonction, comme une sorte de fantôme.

 

*

Je marche seul dans les rues de Paris où il y a un monde fou, traverse pour admirer un vieux manège puis m’approche des hautes grilles d’une cathédrale que je ne connais pas. Soudain, plus personne. J’entre. Le soir est tombé. Un grand feu brûle devant cet immense bâtiment gothique. Un musicien se met à jouer du violoncelle. En entendant le son de l’instrument – juste le son, pas la musique – sans aucune pensée j’entre en extase, et je disparais.

 

*

 

La retraite touche à sa fin. Continue comme ça, ce n’est pas mal : on ne retrouvera de toi que tes ongles !

 

10 août 2016

 

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