Vigie, été 2016

 

 

 

LA DISCIPLINE

 

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Comme souvent aux alentours du 7 août – date « climatique » de l’entrée en automne – le temps se rafraîchit et devient instable. On se replie encore un peu plus à l’intérieur. Le supérieur du monastère en profite pour resserrer sévèrement les boulons de la discipline (qui n’étaient pourtant pas si desserrés, mais un peu d’arbitraire permet sans doute de ressouder la communauté et de réaffirmer les valeurs communes – cela reste valable même pour une communauté de moines réduite aux seuls mois qui s’agrègent en mon « moi »…).

Les festins de légumes et semoule ont été remplacés par le traditionnel riz-lentille, plat de base de toutes mes retraites, dont je fais une sorte de soupe et que j’agrémente de piment et de curcuma (le régime reste strictement végétarien, et même vegan – si j’excepte les quelques morceaux de parmesan, de beaufort et de reblochon que je me suis permis en début de retraite…).

Toute cette musique sauvage pendant les séances de karma-yoga, cela ne faisait vraiment pas sérieux (dans les cuisines de Karma-ling, nous écoutions, malgré le règlement, Higelin et Brigitte Fontaine en toute quiétude ; et je me souviens de cette mémorable et clandestine soirée où, avec quelques compagnons de retraite d’un autre centre, nous avions séché l’enseignement pour écouter Catherine Ribeiro et Jacques Bertin – avec quelle émotion ! – avant de nous faire rappeler à l’ordre comme des collégiens). Seule la musique liturgique est désormais autorisée, id est dans cet ordre un peu particulier qui est le mien, celle que joue l’Accordéon classique (il existe certaines écoles du Zen où c’est l’apprentissage de la flûte shakuhachi qui seul permet de mesurer les progrès spirituels du disciple ; on peut extrapoler…). J’ai cependant obtenu auprès de mon moi supérieur l’autorisation d’écouter également les duos entre le bayan de Galliano et l’orgue de Thierry Escaich, ce qui donne soudain à ma cave les dimensions d’une cathédrale…

J’accordéonne, tape sur le clavier, tape sur des clous, badigeonne le plafond de peinture blanche et les pages d’encre noire, et le temps file.

 

5 août 2016

 

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