Vigie, mai 2017

 

 

 

TOMBEAU DU LOIR

 

Vigiemai2017 07

 

Les talents de Dana, la Siamoise de la maison qu’on aurait pu appeler Diane mais qui mérite toutefois son nom tant elle est à la fois douce et généreuse pour ses maîtres, devraient à terme donner lieu à une rubrique à part entière : celle des tombeaux aux animaux tués. Il y a eu celui des Batraciens (mais elle n’y était pour rien), celui du Bec-croisé – voici maintenant, hélas, celui du Loir, dont j’ai posé sur une feuille le beau corps intact mais figé dont j’admire la queue touffue, le pelage gris cendré, les longues et si fines moustaches de nocturne, les yeux très sombres plus fixés sur rien.

Petit Loir de la grange d’en face, je ne sais comment me faire pardonner. En vérité, tout est de ma faute : c’est bien moi qui ai introduit au village la carnassière qui a fini par t’avoir, laissant ta veuve s’occuper seule du nourrissage des petits (car tu es un mâle – cela devrait au moins m’éviter de recevoir bientôt en offrande la totalité d’une nichée…). Je l’ai vue l’autre jour grimper à toute vitesse l’échelle, puis sauter d’une poutre à l’autre comme pour chasser quelque invisible oiseau ; j’ai pensé que ce serait une souris – ce fut toi, finalement.

À cause de toi je maudis les chats, et les propriétaires de chats. J’accuse tout particulièrement l’hypocrisie de ceux-là qui se disent végétariens, mais nourrissent dans leurs maisons une meute de carnivores parce que, disent-ils, ils ont besoin de cette sorte de compagnie qui leur rappelle la vie sauvage.

La vie sauvage, c’était toi : tu gis sur le chambranle, plus agile du tout, charogne bonne à être jetée bientôt par la fenêtre – car c’est ce que je vais faire maintenant, sans autre cérémonie, pas même un trou creusé : attraper cette queue touffue et lancer le plus loin possible ton corps doux que d’autres bêtes au moins dévoreront…

 

25 mai 2017

 

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