Route, septembre 2014

 

 

 

FUMÉES AVEC ET SANS FEUX

 

 

Je redescends lentement la route encore mouillée d’une récente et fine averse. Partout la forêt fume, la vallée exhale des volutes de vapeur qui débordent et montent le long de la montagne. Le vert des feuillages s’épuise (cet épuisement durera encore un moment). Fumée sans feu, à moins de considérer comme une sorte de feu le roux vif de ce renard qui se risque à la lisière et dont je regarde un moment le beau profil animal, ou bien ces traits orangés qui commencent à apparaître sous le feuillage hirsute des saules têtards et qui évoquent ces feux de broussailles qu’on peine à allumer.

Au fond du paysage, derrière l’alignement des saules têtards, le mont Granier fait entre la terre et les nuages une sorte de gros bouchon bleu sombre.

Un enfant a ouvert la fenêtre de la maison aux volets rouges ; il porte un tee-shirt rouge, et je crois décidément que ses parents et les propriétaires de la maison doivent être pompiers…

Passent un chien noir, un chien blanc, un chien noir et blanc à trois pattes…

Lignes brouillées.

Trois corneilles dans le noyer. Une autre se pose sur la route et s’envole lourdement à l’arrivée des voitures.

Belle trouée de lumière franche du côté des Grands Moulins.

Murs couverts de mousse trempée.

On s’enfonce. On se replie. On se pelotonne dans ce matin d’automne. On traverse l’étendue de ce tableau en trois dimensions vert et gris : route grise, mur gris, ciel et brouillard gris, et ma veste aussi est grise aujourd’hui ; champs verts, arbres encore verts, mousses vertes.

Dans cette grisaille doucereuse qui de nouveau s’installe, le rouge éclatant des géraniums, que je trouvais autrefois si vulgaire, me ravit.

 

9 et 10 septembre 2014

 

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