Vigie, avril 2014

 

 

 

MADÈRE, LE RÊVE, L’ÉCRITURE…

 

Temps lumineux et frais (à peine trois degrés). C’est pourtant encore un jour de printemps plein ; même si, ici ou là, l’été pointe déjà son nez parce que les fleurs des arbres ont été remplacées par les feuilles, d’autres arbres ont fleuri et la fraîcheur n’est pas du tout estivales, non plus d’ailleurs que ces verts pâlichons. On peut donc encore un moment se tenir en équilibre sur la ligne attendue du printemps.

On pense à Pâques. Ce dimanche de Pâques ma mère aura 70 ans. La nuit dernière a été mauvaise à cause de violents maux d’estomac. Il a fallu faire une annexe dans le placard de l’entrée pour y ranger tous les médicaments. Elle dit qu’elle est fatiguée et qu’elle n’a pas bonne mine. Pour les enfants la perspective de fêter Pâques et cet anniversaire est une joie sans ombre. L’anniversaire de Clément arrive aussi bientôt, que l’on fêtera en même temps, et l’on se souvient à quel point sa naissance a été liée à la maladie de Josette. Il recevra à cette occasion un ukulélé. J’avais d’abord pensé à un banjo, plus grand, plus cher ; l’ukulélé  semblait plus adapté. Je ne savais pas que cet instrument était originaire de Madère, que c’était des luthiers madériens qui l’avaient amené à Hawaï. Je reviens décidément toujours à Madère, comme si tout ce qu’il peut y avoir de rassurant, de touchant, de doux, de réconfortant, s’était rassemblé dans le souvenir de cette île.

Je pense que j’écrirai le livre de Madère. Cela sans doute s’imposera.

De nouveau je rêve de mes grands-parents (cela semblait s’être espacé). Dans le dernier rêve c’était ma grand-mère qui était morte et mon grand-père qui lui avait survécu. Je lui parlais et lui disais : « tu vois nous sommes là dans cette maison de Montluçon, et c’est comme si elle était là parce que je l’entends toujours dans ma tête. » Il ne réagissait guère, semblant déjà ailleurs. Je m’aperçois que ces rêves sont comme des sortes de visites que je peux continuer à leur faire et qui interdisent à l’oubli d’effacer leurs visages et leurs voix. Ma mère aussi raconte qu’elle a continué, qu’elle continue sans doute encore, à rêver de sa mère disparue depuis longtemps. Je ne sais vraiment pas si on peut voir en cela la moindre consolation. Mais le rapport entre le rêve et l’écriture apparaît une fois encore de manière tout à fait évidente.

Le rêve, l’écriture, la musique, les souvenirs, tous ces fils qui nous relient et empêchent le fagot de notre vie de se défaire tout à fait.

 

jeudi 17 avril 2014

 

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