Vigie, juin 2013

 

D’UN SOUFFLE MALHABILE

 

Un vent chaud souffle sur la vallée. Après plusieurs jours de fournaise et d’immobilité, le vent s’est levé. On n’a pas fait les foins et les hautes herbes dansent. Les voitures descendent la route jonchée de débris de feuilles et de branches. Avant-dernier jour de classe. Étrange sensation d’été et d’abandon.

Hier Léo a beaucoup pleuré parce qu’il a appris que sa maîtresse s’en allait. Seule l’idée du cadeau qu’il allait pouvoir lui faire lui a apporté un certain réconfort.

Les martinets jetés dans le ciel venteux comme des faucilles tranchent dans le bleu. Au-dessus des hauts pics encore enneigés, une bande de bleu, puis rien qu’un halo d’un blanc éclatant. Tout attend l’orage du départ, le gros orage d’été. Sept années durant j’ai vécu dans cette attente de l’orage qui ne venait jamais. Il aura fallu encore attendre cinq autres années — soit douze en tout — avant qu’il éclate. L’éclair pour autant ne me dure guère, et je piétine dans cette attente, cet entre-deux, cette banalité trop terne de l’esprit assoupi. Même avec le vent qui plie les hautes herbes (mais cela n’est vrai que dans ma vallée, car en bas il ne vente plus guère), tout cela manque d’intensité vécue. Comme une poignée de sel jetée sur une plaie un peu trop facilement cicatrisée, ou comme un souffle malhabile sur la dernière braise d’un feu qu’on voudrait ranimer, la pensée de l’éphémère est censée redonner du sens à tout ça. Ces roses plantées le long de la route : bientôt fanées. Ces meules sèches dans le champ : bientôt trempées. Ces visages que je vais revoir ce matin : bientôt disparus. Est-ce que les couleurs du présent en ont été ravisées ? — Pas plus que par ces paroles assez vaines. On a quand même tenté.  

18 juin 2013

 

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