Vigie, juillet 2013

 

 

 

DE LA DOUCEUR DES LIVRES

 

 

L’enfant joue. Je le regarde jouer, tente de me joindre à son jeu de pâte à modeler, vois toute la scène de loin et comme déjà passée, voilée par la conscience du temps et l’envie d’écrire ou de me replonger dans le livre que je suis en train de lire. Je prends alors dans sa bibliothèque un livre qui parle d’une graine de pommier qui grandit et donne naissance à un rameau puis à un arbre, je lis ce livre-là à mon enfant et c’est encore la meilleure façon de nous accorder.

Il y en a une autre : lassé du jeu, fatigué par un réveil trop précoce et brutal (car il a demandé à ne plus avoir de couches la nuit, et s’est réveillé au petit matin tout trempé), il se blottit contre moi et s’endort à moitié. Nous montons au bureau et il se repose un moment. Je lis Recouvrance de Frédéric-Yves Jeannet tout en écoutant — et en répondant — à son babil, et ses paroles d’enfants se mêlent aux mots du livre et font un nouveau livre que je suis seul à lire. Chaque lecteur crée ainsi son propre livre, les mots de l’auteur se superposant ou se mélangeant aux pensées, aux préoccupations du lecteur ainsi qu’aux sons, aux images, aux odeurs, aux paroles qui entourent sa lecture. 

Je rajoute quelques lignes à L’éloignement, et celles-ci sur le carnet, happé par le désir de dire, conscient de ce que l’insatisfaction qui de nouveau transparait à travers mes gestes vient d’abord de l’impossibilité dans laquelle je me trouve d’écrire — disons, du fait que je n’ai pas écrit depuis plusieurs jours et que j’ai peur d’avoir perdu le contact avec l’écriture.

Je m’affaire. Je navigue entre les mots, le silence, le passé, le présent, les paroles de l’enfant et celles des livres. L’amertume s’atténue et je goûte à nouveau quelque chose de doux qui apaise.

 

1er juillet 2013 

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