Vigie, juillet 2013

 

 

 

 

FRAGMENTS DE RÊVES ENFANTINS

 

 

Je redescends un haut plateau de montagne, d’abord en voiture puis à pieds sur un petit sentier calcaire. J’aperçois au loin un troupeau de chamois aux formes raffinées, puis les ombres chinoises de miniatures agricoles — paysans au travail, tracteurs vétustes et vaches. Passent aussi des chevreuils et des cerfs. C’est le plateau des Bauges. Nous nous installons dans les Bauges. Je travaille encore à Allevard, mais nous avons déménagé dans les Bauges. Je me réjouis de ce que nous n’aurons même pas de loyer supplémentaire à payer, puisque nous laissons à la fin du mois notre maison de location pour en acheter une ici, près du Châtelard, qui nous coûtera un peu moins cher chaque mois. L’accueil des habitants est cependant hostile. On a dégonflé les pneus de la voiture. Des hommes armés de fusil nous menacent. Je suis obligé d’afficher sur le panneau de la mairie une lettre ouverte dans laquelle je raconte que jamais une telle chose ne nous est arrivée : même à Maripasoula où la violence régnait, nous avions été bien accueillis. 

Puis je suis un enfant, un jeune adolescent. Peut-être est-ce parce que cette nuit je dors dans le lit de Léo que je rêve cela. Au collège, je suis pris à partie. On m’insulte. On jette sur moi de très gros ballons de basket pour me faire mal. On me parle dans une espèce de sabir incompréhensible. Je réagis avec une extrême violence, par un discours indigné, puis des coups, des crachats s’abattent sur moi. 

Avant ou après cela (car déjà tout se brouille), une confuse histoire de course nautique à la piscine. Je m’apercevais que je ne peux pas nager la brasse car je dois passer le long d’un passage très étroit qui ne permet pas d’écarter les bras. 

Dormir dans le lit de mon fils me fait faire des rêves d’enfant. 

Puis émerge une histoire compliquée de complot atomique. Un danger immense nous menace, la préparation d’un bombardement atomique d’envergure. Le site où sont stockées les armes nucléaires se trouve près de la maison que nous avons achetée, et qui va être rasée. Les enfants seront irradiés, tout le lieu inhabitable pour longtemps. 

En lien avec ce cauchemar atomique, je rêve enfin de Voldemor (le personnage sans visage de la série Harry Potter que lit Léo). Il semblerait décidément qu’il ne soit pas anodin de dormir dans la chambre de Léo, tout imprégnée de ses rêves à lui. À l’intérieur de cette installation nucléaire, se trouve en effet Voldemor, incarné je crois en mon père (mon père n’est pas un obstacle ni un ennemi, il ne s’agit ici que d’une ruse). S’en suit un affrontement épique et confus, qui s’achève par la dernière scène, la scène du lac — qui me réveille en pleurs.

Au bord du lac, je serre éperdument contre moi Léo et Clément. Je suis envahi par un immense et douloureux bonheur. Jamais je n’ai ressenti avec une telle force un tel désir d’éternité. Je dis : je voudrais être à jamais et pour les siècles des siècles avec vous, près de vous. Je pleure. Cette unique vie passée avec vous, ce n’est pas suffisant : une fois qu’elle se sera achevée, je voudrais naître et renaître et renaître encore avec vous, mes enfants. 

Émergeant de ce rêve qui est venu mettre un peu d’intensité dans cette semi-retraite qui, étrangement, en manque tant (sans doute parce que je suis resté dans mon cadre et que celui-ci est trop confortable), je  me dis que, sans doute, ils me manquent… 

 

12 juillet 2013

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