Route, novembre 2014

 

 

 

L’AUTOMNE EN NOVEMBRE

 

De longues traînées de lumière prolongent entre les ombres la chaleur blanche d’un feu rentré. Il y a bien ici ou là un arbre plus éclatant (ce sont en général des arbres d’ornement plantés pour qu’ils flamboient en automne), mais la tonalité d’ensemble évoque une fête discrète, un concert de musique de chambre dans un appartement bourgeois mais pas tapageur, sans rien de clinquant dans le décor ni la musique. 

Une buse tourne au-dessus de la route bloquée, comme souvent, par les vaches du voisin d’en bas. On se retrouve à rouler au pas, le pare-chocs collé au derrière boueux d’un bovin nonchalant (je soupçonne un peu notre voisin paysan de mettre de la malice à entraver la hâte néo-rurale de ceux qui quittent la vallée pour travailler en ville).

La haie de saules têtards cependant s’est éclaircie, et offre par anticipation le contraste qu’il y aura sans doute bientôt entre les sommets enneigés et la vallée encore colorée : le haut des arbres semble gelé, gris-bleu, tandis que la base des branches reste d’un jaune vif. Ainsi c’est encore le bel automne qui se prolonge. On annonce l’arrivée de perturbations, les premières gelées. On a cueilli hier les pommes pour en faire du cidre ou du jus, et les kiwis qui seront notre provision de fruits frais pour l’hiver ; mais c’est encore l’automne.

Au passage de la frontière on est pris dans un tunnel embrumé, enfumé (à cause de l’usine Leborgne et des cheminées qu’on a rallumées un peu partout), aux voûtes marquetées de jaune et d’ocre. Puis voici le clocher de La Chapelle du Bard qui brille au soleil de neuf heures, et Bramefarine en tenue d’apparat.

« Compère, qu’as-tu vu? » − L’automne, encore, le bel automne.

3 novembre 2014

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