Route, novembre 2014

 

 

 

LE PAYSAGE BOUGE

 

Matin mouillé, gris et doux. Les crêtes brunes ne sont plus saupoudrées que d’un peu de grésil. Les enfants protestent contre la neige qui ne vient pas, contre Novembre qui ne tient pas ses promesses. Comme toujours les gens qui se croisent dans les rues du village en faisant les courses parlent du temps. Ils disent qu’on n’a jamais vu ça, qu’on va le payer, qu’on le paye déjà, que ce n’est pas normal. On parle du réchauffement. Mais ce qui en d’autres points de la planète est une catastrophe, ressemble ici à un cocon douillet de brume tiède et de nuits sans givre. 

Taches éclatantes dans la grisaille, certains bouleaux, certains saules n’ont toujours pas perdu leurs feuilles. La haie des saules têtards est magnifique, derrière laquelle un chasseur s’est embusqué. Il y a aussi en contrebas tout un bosquet orange vif insensible à l’hiver. Dans les jardins les arbres d’ornement ressemblent plus que jamais à des forsythias en avril. Une pluie fine grésille sur le pare-brise, et l’on serait tenté de dire : averses d’avril (tentation excessive, à cause des couleurs d’automne de plus en plus persistante à mesure qu’on descend).

Voici la place du village, avec ses réverbères jaunes fouettés par la pluie, ses écoliers qui remontent la rue tête baissée. Lueurs jaunes sur la chaussée détrempée, et dans le ciel aussi du côté des Grands Moulins. Puis dans la combe tout se brouille de pluie et de nuit. Le clocher gris flotte sur fond de brume. L’allée du cimetière, le stop, la route déserte : tout se brouille. On est soudain pris d’une grande fatigue. On n’avance plus. Seul le paysage bouge.

 

 

Mercredi 25 novembre 2014

 

 

 

 © Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

 

 

 

 

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