Route, novembre 2014

 

 

 

 

LES FOUGÈRES DU GIVRE

 

 

 

C’est avec regret que l’on détruit, pour pouvoir y voir quelque chose et avancer, ce chef-d’œuvre dessiné par le givre sur le pare-brise de la voiture : on dirait des fougères, ou bien un sous-bois de sombres épicéas alourdis par la neige… Aussitôt cela évoque l’hiver, les grands froids, les forêts silencieuses… On se dit, d’ailleurs à tort, qu’il faudra désormais protéger la voiture, si bien qu’on ne verra plus cette merveille que fixe l’appareil photo… Je me demande quelles sont les conditions particulières de température et d’humidité qui permettent l’épanouissement de ces efflorescences que je n’avais jusqu’à présent remarquées et observées qu’une seule fois. (La fenêtre de toit offrait ce matin les mêmes motifs que le pare-brise, mais je ne m’en suis pas rendu compte à cause de l’obscurité, de la fièvre ou de la distraction.)

Temps clair, cependant, et lumineux. Champs blancs, crêtes blanches, arbres encore jaunes malgré le gris qui gagne. Ce retour d’un temps très lumineux et du givre évoque un changement de tonalité à l’intérieur d’un même morceau. C’est un peu comme si la mélodie était relancée en une variation qui donne envie de voir et de vivre. L’orange vif de cette lisière est bien plus frappant sur fond de montagnes blanches. Le paysage a encore les couleurs de l’automne, mais une netteté hivernale. D’une certaine manière une journée comme celle-ci est une saison à elle seule. 

La lumière fait flamboyer les crêtes, tandis que le fond de la vallée est encore envahi par le brouillard. Un impressionnant champignon d’orage s’élève de l’usine de Cascades au-dessus de La Rochette, qui relie la combe et le ciel. De ce spectacle superbe de la montagne rousse sur fond de ciel bleu et de montagnes blanches, les rochettois ce matin ne peuvent malheureusement rien voir… Je rentre à mon tour dans le brouillard du bourg. Ici encore c’est une autre saison. Un hiver asphyxiant. Bien entendu les passants ont l’air de fantômes un peu perdus. Il y a cependant à l’intérieur même de la ville des zones plus claires, des fragments de rue ou le brouillard semble ne pas avoir prise, et où l’on respire mieux…

 

Mercredi 19 novembre 2014

Ce contenu a été publié dans 2014. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.