Route, juin 2015

 

 

 

À L’ÉCOUTE DE L’ÉTÉ

 

 

Le concerto de l’été est d’abord lent, grave, presque triste. L’été s’est extirpé très lentement de la torpeur printanière, avec la fragilité d’un coquelicot tout juste éclos. Il stagne encore un peu de brume en fond de vallée. Puis soudain la lumière jaillit depuis les crêtes, entre les branches des noirs épicéas, et le tempo se précipite. Il y a là quelque chose d’exaltant, de revigorant comme la danse des martinets dans un ciel sans nuage. 

Retour au calme. Les bêtes paissent dans les hautes herbes. L’hésitation d’un chant de tourterelle, l’appel lointain d’un coucou peut-être, une branche qui grince, un paysan qui passe sur fond de grands nuages. Un coup de vent plie les herbes que frôle l’hirondelle. Puis ça s’affole, ça se précipite.

Bourrasque. 

Retour au calme.

Bourrasque. Exquise mélancolie de ces lents jours de juin. Les écoliers pensent aux vacances. La tête entre les mains ils guettent les bourrasques qui leur traversent la tête. Au carrefour les roses du grillage sont d’un rouge éclatant — il faut s’approcher pour voir qu’elles ont vraiment commencé à faner. Les hirondelles crient devant les fenêtres entrouvertes, et un homme au passage des voitures serre contre lui son Colley fanfaron. Les hortensias bleuissent, pâlissent, s’épanouissent. Un renardeau se risque à découvert, puis bondit à l’abri des taillis à cause du vent ou de la voiture qui passe. 

Bourrasque, grondement, tremblements. On monte dans les aigus. Le bandonéon vrombit, le piccolo se lance dans une sorte de looping. Puis tout retombe à nouveau. On revient au thème majeur de l’été. Dans la tiédeur des sous-bois la lumière creuse ses nids, prépare ses fruits. Passé le seuil la musique se poursuit. 

 

22 juin 2015

 

 

 

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

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